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Un
peu d'histoire
On
peut dire, de manière très résumée,
que l'histoire de la vie consacrée comprend
quatre périodes différentes.
La première période va principalement
des origines chrétiennes au IVe siècle.
C'est le temps de la découverte et de la
mise en place de la vie consacrée. Rappelons
d'abord que, dans l'Antiquité grecque et
romaine, le don absolu d'une femme à Dieu
dans le célibat est considéré
comme anormal et incompréhensible. II y
a bien sûr le cas des Vestales romaines,
mais c'est plutôt un contre-exemple dans
la mesure où elles sont maintenues par
la force dans cet état jusqu'à l'âge
de 40 ans. Dans le monde juif, ce qu'on demande
à une femme, c'est d'être mariée
et d'avoir des enfants, spécialement des
garçons, afin de perpétuer la famille.
II est impensable qu'une femme demeure célibataire
et, pour une femme mariée, ne pas avoir
d'enfants est considéré non seulement
comme un déshonneur, mais comme une malédiction
de Dieu.
Tout change avec le Christ et la
Vierge Marie. Jésus est demeuré
célibataire dans un don absolu au Père
d'une part et aux hommes d'autre part. Sa mère,
Marie, dès avant l'Annonciation, a reçu
un appel de Dieu à se consacrer à
lui dans la virginité. C'est la raison
pour laquelle, quand l'ange lui apparaît
et lui annonce qu'elle mettra au monde le Sauveur,
elle lui fait cette objection : « Comment
cela se fera-t-il puisque je suis vierge ? »
Cela sous-entend que Marie souhaite le rester,
puisque cette demande lui a été
faite antérieurement par Dieu. La virginité
est comme constitutive de Marie, elle est la manifestation
de son don complet au Seigneur. Or, dès
la première génération chrétienne,
comme nous le voyons dans saint Paul, des jeunes
filles désirent vivre cet état de
virginité. Elles le font certes parce qu'elles
attendent, au début, la venue imminente
du Royaume, mais aussi parce que l'exemple du
don de Marie les encourage. Et c'est ainsi que
naît la virginité consacrée
dans la primitive Église. Celle-ci est
aussitôt reconnue par l'Église. On
la protège, on la met à l'honneur,
par exemple en lui donnant une place d'honneur
dans les cérémonies liturgiques
; on lui consacre des traités, dont les
plus connus sont ceux de Tertullien et de saint
Ambroise. Des hommes, appelés les «
continents», vivent rapidement le même
charisme. Leur exemple inspirera plus tard le
célibat sacerdotal.
Pour bien comprendre l'importance
de la virginité (et plus largement de la
chasteté) consacrée, il faut ici
faire une remarque. Dans l'histoire de l'Église,
Dieu utilise à certains moments, pour faire
avancer les hommes, tel ou tel type de sainteté.
C'est comme une locomotive qui tracte le reste
du train. Aux origines chrétiennes, les
grands modèles sont les saints martyrs,
les saints évêques, les vierges consacrées.
Ils ont comme une valeur prophétique. II
est certain que la virginité consacrée
est tellement inattendue dans le monde antique,
tellement éloignée de la sexualité
environnante, qu'elle a une force de provocation.
Qu'une jeune fille accepte de rester vierge, le
désire même de tout son coeur, c'est
incompréhensible pour les païens.
Alors une question se pose à eux : si ces
femmes sont heureuses comme cela, quelle est la
source de leur bonheur ? Vivre avec Jésus,
«épouser le Christ », peut
donc donner un sens si fort à la vie ?
Le Christ serait-il vraiment vivant ?Par leur
seule existence, les vierges consacrées
ont donc joué un rôle très
fort dans le témoignage et dans l'évangélisation
du monde antique.
Au IVe siècle commence une
seconde période la période monastique.
Au cours de ce siècle, le monde romain
se convertit au christianisme. Les moeurs chrétiennes
sont de plus en plus acceptées parla société.
La pureté est mise en valeur. Dès
lors, vivre célibataire dans le monde perd,
en quelque sorte, de sa force exemplaire, de son
rôle de «provocation ». Ceux
qui veulent vivre une vie différente quittent
alors la société normale et se réfugient
dans les déserts. C'est la naissance du
monachisme, avec saint Antoine et saint Pacôme,
en Égypte. Très vite, des femmes
vivent le même idéal. Quand plus
tard saint Benoît fonde au Mont Cassin un
monastère d'hommes, sa soeur sainte Scholastique
établit parallèlement un monastère
de femmes. C'est l'origine des milliers de maisons
contemplatives de femmes qui couvriront la planète.
Le charisme de fondation est alors « la
vie parfaite » par la fuite du monde. On
vit sous d'autres lois synthétisées
par la pratique des trois voeux de chasteté
pauvreté et obéissance. Cette opposition
monde-vie parfaite sera systématisée
par différents auteurs, comme saint Bernard.
L'évangélisation se fait indirectement.
Les moines sont une référence, un
exemple, mais, en principe, ils ne s'attaquent
pas directement à la conversion des gens.
Pour les hommes, il faudrait introduire mille
nuances dans cette affirmation, mais elle est
valable davantage pour les femmes. Quand, aux
XIIe et XIIIe siècles, on commence à
créer des ordres destinés spécifiquement
à l'évangélisation, comme
les Prémontrés, puis les Mendiants
(Dominicains, Franciscains, etc.), leurs branches
féminines restent cloîtrées.
Les hommes prêchent, les femmes prient.
Au XVIe et XVIIe siècles,
commence une troisième période :
celle des « congrégations »,
c'est-à-dire des communautés de
femmes de vie active, d'évangélisation
« directe ». Avec sainte Angèle
de Mérici fondatrice des Ursulines, puis
saint Vincent de Paul, fondateur des Filles de
la Charité, on affirme que les femmes peuvent
vivre chastement dans le monde, et non plus seulement
dans les cloîtres, en menant à la
fois une vie de sainteté et de service.
La vie monastique se rapproche ainsi de la société
et se transforme.
On garde les trois voeux, mais on
les adapte. C'est l'origine des centaines de congrégations
de vie active qui ont chacune, en principe, un
rôle spécifique catéchèse,
action auprès des malades, enseignement,
etc. Il continue à s'en fonder aujourd'hui
: un bon exemple est constitué par les
Missionnaires de la charité de Mère
Teresa.
La quatrième période
commence après la Seconde Guerre Mondiale.
Depuis l'entre-deux-guerres, on s'apercevait que
le Catholicisme et la société civile
s'éloignaient l'un de l'autre. La question
était donc : comment évangéliser
de nouveau cette société ? On estima
alors qu'il fallait rapprocher la vie religieuse
des hommes. Ce fut la raison de la naissance des
Instituts séculiers, après 1945,
dont Notre-Dame de Vie est un exemple en France.
Mais, après le Concile de Vatican II, une
nouvelle étape fut franchie en plusieurs
lieux du monde en même temps, sans aucune
coordination humaine. Ce fut la naissance des
communautés nouvelles, comportant des hommes
et des femmes vivant une vie consacrée
dans le monde, avec le soutien de leur communauté.
En somme, cette évolution
est logique. Nous nous trouvons devant un monde
redevenu largement païen. Dieu ne peut pas
abandonner ce monde ni démissionner devant
son évolution. Pour le réévangéliser,
il redonne à son Église les grâces
mêmes des origines chrétiennes, comme
on peut les voir vivre par exemple dans le Renouveau
charismatique. Aujourd'hui, quand une fille ou
un garçon se consacre dans le célibat,
ils sont de nouveau pour les hommes, un signe
très fort, qui retrouve sa valeur de «
provocation », d'interrogation. S'ils vivent
joyeusement cette vie d'union avec Dieu, ils manifestent
aux hommes la présence du Christ au centre
même de leur existence.
Les nouvelles formes de vie consacrée sont
donc une marque de la miséricorde de Dieu
pour le monde qui est le nôtre. Plus le
monde s'éloigne de Dieu, plus il se perd
dans des voies sans issue, plus Dieu veut le sauver.
Mais Dieu ne sauve pas les hommes sans les hommes
eux-mêmes. C'est pourquoi, plus que jamais,
l'appel de Dieu retentit pour les communautés
anciennes et les communautés nouvelles
demandant à des garçons et à
des filles « Veux-tu me suivre en me donnant
tout, dans un célibat consacré pour
la manifestation du Royaume de Dieu et l'évangélisation
du monde ? »
Père Bernard Peyrous
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